La ville de Casablanca se constitue d’un tissu urbain riche et varié. Le patrimoine architectural en fait partie et participe grandement à la valorisation du territoire. Il est composé de différents héritages liés aux grands courants architecturaux : Arabo-musulman, Art Déco, post moderne, international, …
Ce patrimoine urbain paysager s’est constitué par étapes successives et est marqué par des orientations historiques déterminantes.
C’est dans un souci de préservation de ce patrimoine exceptionnel que l’Agence Urbaine de Casablanca a réalisé un travail d’inventaire organisé selon 3 échelles :
L’unicum est la valeur propre à la singularité de l’objet inventorié : unique, exceptionnelle et singulière par rapport aux œuvres comparables de sa série, de sa période, de sa production.
Le typicum est la valeur propre à la représentativité de l’objet inventorié : échantillon représentatif et emblématique par rapport aux œuvres comparables de sa série, de sa période, de sa production.
Il s’agit d’évaluer la dimension urbanistique et l’insertion des unités bâties dans l’espace urbain et paysager.
Cette dernière catégorie, s’intéresse à la valeur mémorielle en rapport avec l’histoire des hommes et des lieux. Au-delà de la qualité architecturale, et urbaine, il s’agit d’inventorier des lieux qui ont participé à l’histoire de la ville, comme cette Maison des Syndicats au 85 de la rue Ferhat Hachad.
À quelques rares exceptions près, les édifices témoignant du visage qui était celui de Casablanca à l’orée du 19e siècle se trouvent dans l’ancienne médina. Parmi les principaux figurent les fragments de l’enceinte comme Bab el Marsa ou la Sqala, les mosquées Djama ould el Hamra et Djama el Kebir et le marabout de Sidi Allal El-Kairouani. Dans leur ensemble, les constructions manifestant l’essor de la ville avant le débarquement de 1907 s’apparentent à celles des villes côtières du Maroc, comme Azemmour ou El Jadida, et le plus souvent avec celles de l’Andalousie atlantique, dont la majorité des résidents étrangers étaient originaires.
La démarche éclectique se fonde sur l’utilisation de répertoires architectoniques empruntés à l’histoire, notamment au classicisme français du XVIIIe siècle. Ces éléments sont disposés selon les modes de composition académiques enseignés à l’École des Beaux-Arts de Paris et dans les autres établissements français, et diffusés par les manuels utilisés dans les villes de France et de l’Algérie voisine. En termes de syntaxe, les compositions sont en général symétriques, qu’il s’agisse d’immeubles d’angles ou d’immeubles d’alignement. Verticalement, ils comprennent un soubassement et un entablement parfois prolongés par des superstructures, que sépare une partie médiane réglée par les colonnes, des pilastres ou simplement des encadrements moulurés.
Les ordres utilisés sont en règle générale le corinthien ou le composite, et sont conjugués avec un large éventail d’éléments ornementaux d’esprit classique ou d’inspiration florale ou héraldique, qui donnent leur qualité à des immeubles parfois prosaïques.
Né d’une réaction contre l’éclectisme, qui s’exprime à partir de 1880 dans un certain nombre de villes européennes, de Bruxelles à Paris, Milan, Barcelone, Vienne ou Munich, l’Art nouveau entend exprimer les valeurs de la nouvelle civilisation industrielle, selon des modalités allant de l’évocation de la nature à celle des rythmes de la vie métropolitaine.
Dans leur syntaxe, les édifices utilisent ou bien les schémas classiques, le décor étant alors la seule transgression, ou se fondant sur les théories rationalistes faisant du volume extérieur de l’édifice l’expression de son plan et brisant les alignements horizontaux ou verticaux des fenêtres pour les ouvrir là où elles sont nécessaires. Les interprétations casablancaises de cette écriture sont dans l’ensemble assez réservées et participent de la première démarche, utilisant une géométrie fluide dérivant de thèmes végétaux.
Dérivant des directives de Lyautey et du précédent de l’arabisance préconisée par le gouverneur de l’Algérie Charles Jonnart au début du XXe siècle, cette écriture est plus caractérisée par le redéploiement du lexique et de la texture des édifices historiques marocains que par le recours à leur syntaxe, ou encore à leur typologie. Elle est pratiquée avec beaucoup de liberté et avec une certaine virtuosité, selon une multiplicité de figures allant des plus élémentaires aux plus savantes. Certaines d’entre elles sont combinées avec des compositions axiales et hiérarchiques conformes aux préceptes de l’École des Beaux-Arts, par exemple pour ce qui est des différents édifices entourant la place Administrative ou les banques.
Le terme le plus souvent employé pour décrire l’aspect architectural de Casablanca est celui d’Art déco, dont les formes sont connues du grand public au travers de nombreuses productions, du mobilier au bijou. Il est vrai que la construction des quartiers centraux de la ville nouvelle est contemporaine de l’apparition de cette écriture, dont le nom dérive de celui de l’Exposition des arts décoratifs et industriels modernes tenue à Paris en 1925. On pourrait aussi avancer l’hypothèse inverse selon laquelle les thèmes popularisés par cette exposition dérivent des langages utilisés en Afrique du Nord.
Les écritures modernes se forment en Europe et aux Etats-Unis en réaction à la fois contre l’éclectisme et l’Art nouveau et s’opposent aux facilités de l’Art déco. Mais leur expression casablancaise ne se réduit ni aux trop fameux « Cinq points d’une architecture nouvelle » de Le Corbusier – les pilotis, le toit-terrasse, le plan et la façade libre et la fenêtre en longueur, ni aux trois principes du « Style international » énoncés en 1932 à New York, selon lesquels la notion de masse est remplacée par celle de volume, tout ornement est banni, et la fixation sur la symétrie cède le pas à la notion d’équilibre.
Après 1945, alors que l’Europe est aux prises avec la reconstruction, Casablanca connaît un nouvel âge d’or, et attire une nouvelle génération d’architectes, pour qui la démarche moderne va désormais de soi. Les sources auxquelles elle puise ses projets vont de la Californie de Richard Neutra et Rudolf Schindler au Brésil d’Oscar Niemeyer et Affonso Reidy. La problématique brutaliste de Le Corbusier trouve ses adeptes, un son béton armé dont l’épiderme rugueux garde les traces du coffrage.
La démarche postmoderne s’empare de l’architecture mondiale sous l’effet de la Biennale d’architecture de 1980 à Venise. Au même moment, les premiers Marocains diplômés des écoles européennes accèdent à la profession, répercutant non sans une certaine fébrilité dans leurs premières œuvres les thèmes nostalgiques avec lesquels, selon les termes de Paolo Portoghesi, metteur en scène de la Biennale de 1980, les « inhibitions » modernes sont censées être refoulées.
Les écritures contemporaines de l’architecture casablancaise sont de toute évidence plurielles, dans leur rapport avec les précédents locaux ou avec les tendances de la scène mondiale. Minoritaires, des édifices réagissent contre le kitsch commercial et le postmoderne, et s’efforcent de retrouver les lignes simples d’un moderne épuré, avec des volumes lisses et des éléments tels que les garde-corps d’inspiration navale semblables à ceux de Boyer ou Desmet.